À propos de la Combe du Creux

Mi-novembre 2017

Investiguer un siphon peut être vu comme un voyage. C’est un voyage de la seule première vers une étude plus soutenue, matérialiste et scientifique aussi bien qu’esthétique. C’est un passage de la lumière à l’obscurité, ensuite à nouveau vers la lumière mais avec une humeur différente.
Les couleurs principales de la palette ne sont pas les mêmes que dans des endroits moins éloignés. Au lieu de se tenir debout sur la terre, dans un environnement chaud, il faut palmer dans l’eau, sous terre, vivre dans un environnement plus froid.
Enfin, même si visiter un siphon est toujours merveilleux, c’est d’extension limitée, il n’y a pas « plein de temps » comme dehors, au lieu de cela l’horloge avance à chaque respiration.

L’entrée

Un lieu exotique rêvé à l’interface des mondes intérieur et extérieur

Mai 2017

Le niveau d’eau fluctue en fonction de la météo.

Le niveau le plus bas est atteint en été, cependant que des crues peuvent survenir après les épisodes pluvieux, rendant la plongée plus difficile ou impossible (davantage de décompression, moins de visibilité).

 

Mi-novembre 2017

 

 

Quelle que soit la saison, le bleu-vert (turquoise) contraste avec des nuances de la couleur opposée ; cette palette est très différente de vues plus classiques.

 

Les arbres vues depuis l’entrée suggèrent différents sentiments, selon l’heure et la saison.

La teinte verte, qui est importante au photographe, va du vert émeraude sombre à des nuances jaunâtres plus claires.

Fin août 2017

C’est une des dernières choses que l’on voit en entrant sous terre et une des premières vues après la plongée.

Fin août 2017, durant un étiage extrême

 

Les jours de pluie, lorsqu’ils n’empêchent pas de pénétrer dans la cavité, rappellent l’origine de l’eau. Sans eau, la palette serait certainement plus terne.

La lumière peut pénétrer au travers de l’eau transparente et se réfléchir sur la roche, donnant des nuances turquoise qui se mélangent avec d’autres reflets à la surface.

L’eau opaque, pendant ou juste après les crues, a une couleur plus marquée. Les ombres deviennent plus importantes que les reflets.

 

Les formes pouvant être vues dans la cavité (« Spéléothèmes »)

juillet 2017

Un monde étrange, parfois sans dimension ou dépourvu d’échelle.

Il y a un seul endroit dans le siphon où une surface libre peut être atteinte, au sommet d’un puits noyé.

Ailleurs, seules de minces bulles d’air peuvent être piégées sous le plafond où elles accentuent la corrosion, même dans la zone profonde.

Parfois elles ressemblent à des miroirs de mercure ou d’argent. Parfois on peut deviner des reflets de la galerie à travers une eau claire. Ce ne pourrait pas être un refuge en cas de problème.

Mi-août 2017

La cavité contient plusieurs dépôts d’argile.

Une forme fragile, peut-être une stalagmite d’argile, suggère que cette zone n’a pas toujours été noyée. L’approcher et la mesurer demande un bon équilibrage ; un simple coup de palme ou de doigt la détruirait irréversiblement.

Juillet 2017

Au début de la zone profonde, un autre dépôt d’argile correspond à la boue qui a coulé d’une galerie secondaire il y a longtemps. Le dépôt a été labouré par les bouteilles relais des plongeurs.

Plus on rentre loin dans la cavité, moins il est facile de photographier des formes intéressantes, à cause du manque de temps.

 

Des galets et des marmites suggèrent que cette partie de la cavité n’a pas toujours été noyée.

Une ligne sur la carte géologique indique que la lithologie change de calcaire à marno-calcaire ; sous terre cette ligne peut être touchée.

août 2017

Des coups de gouge peuvent être trouvés dans plusieurs endroits de la cavité.
Les mesurer permet de reconstituer des écoulements passés et d’alimenter des modèles numériques.

Des coups de gouge « bi-dimensionnels » très particuliers peuvent être observés et mesurés. Ils pourraient correspondre à des cannelures (formées lorsque cette partie de la cavité était exondée) guidant la formation des coups de gouge.

La cavité contient beaucoup d’autres formes intéressantes, qui demandent de la disponibilité pour les observer.

La galerie :sentiments et formes

Une vraie vie en liberté

Août 2017

Photographier sous l’eau sous terre pendant l’action nécessite de combiner plusieurs images pour récupérer suffisamment de lumière.

C’est l’équivalent d’une très longue exposition en photographie argentique.

L’appareil photographique est fixé sur un trépied et le plongeur éclaire la galerie avec ses lampes.

Une eau suffisamment claire peut être trouvée seulement en été.

juin 2017

En quelques dizaines de secondes, l’environnement peut changer complètement, l’eau devenant opaque au point de perdre l’appareil photographique (ce qui est arrivé deux fois).

La galerie principale n’a pas toujours une section classique, elliptique et « propre ».

Des dépôts d’argile et des formes de corrosion sont présents dans différents endroits.

L’existence d’un petit canyon suggère que la partie profonde de la cavité n’a pas toujours été noyée.

 

Aucun rayon de soleil ne peut rentrer dans le siphon. Apporter un éclairage artificiel permet de « peindre » depuis le noir, ce qui est exactement le contraire de l’aquarelle.

Mi-août 2017

Malgré le fait que cela ne corresponde pas à l’esthétique attendue par une majorité, ne pas apporter trop de lumière et préférer des expositions uniques peut être meilleur dans certaines circonstances.

Parfois cela transmet une humeur plus proche de l’expérience réelle.

 

Pour les profanes, il y a certainement peu de différence entre explorer un siphon ou juste le pénétrer. Une photographie appartient à une série que j’avais plein de temps pour réaliser.
Quelques secondes après avoir pris la seconde image, je manipulais le dévidoir dans une galerie secondaire que j’explorais à -44 m. La visibilité est devenue nulle et après quelques mètres sans amarrage naturel je rebroussais chemin, avec les deux mains sur le fil.

Toutes les photos   ICI

Pierre BOUDINET

3 réflexions sur « À propos de la Combe du Creux »

  1. BOUDINET

    Merci, très touché.
    La Combe du Creux est le laboratoire qui me permet de mettre des choses au point « pour plus tard », quand les beaux jours, pas que climatiques, seront revenus.
    Amicalement
    Pierre

    Répondre
  2. Christophe

    J’ai pris beaucoup de plaisir à lire ce récit
    J’adore la photo ‘Juillet 2017 (7) qui mélange une photo statique et un bel effet de mouvement des éléments en suspension
    Merci pour cette approche poétique

    Répondre

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